Biologie végétale

Écologie végétale

Stratégies d’allocation des ressources et traits d’histoire de vie

Chapitre 1 : Stratégies générales d’allocations des ressources

  1. Le modèle C-SR (Grime)
    1. Caractéristiques essentielles
    2. Equilibre entre stress, perturbation et compétition
    3. Processus de sélection
  2. Stratégies primaires de croissance
    1. Les compétitrices
    2. Stress-tolérantes
    3. Les rudérales
    4. Les stratégies intermédiaires
  3. Utilisations et limites du modèle C-S-R

Les traits d’histoire de vie sont particulièrement intéressants pour une analyse de l’évolution car les deux traits majeurs, la survie et la reproduction, sont des composantes de la valeur sélective (ou’fitness’) d’un individu, et les autres caractéristiques leur sont plus ou moins corrélées. Si nous prenons une vue simpliste de la plante imbattable voici ce qu’elle devrait être : elle devrait se multiplier végétativement et vivrait indéfiniment. Si elle se reproduit sexuellement, elle devrait être hermaphrodite et autogame, produire très tôt et très souvent de très nombreuses graines, grandes, et germant sans délai.

En réalité, bien entendu, les plantes présentent une grande diversité de stratégies et leurs modes de reproduction, ou de croissance sont variés. Dans une telle diversité, aucune plante ne présente toutes les caractéristiques énumérées ci-dessus. Pourquoi un tel phénotype imbattable n’existe-t-il pas ?

Il n’existe pas de phénotype imbattable car il est physiologiquement impossible, même pour un autotrophe, de produire de tout au même instant. Il y a toujours une quantité limitée de temps, d’énergie et de ressources pouvant être dépensés pour la croissance, le maintien ou la reproduction et donc la plante doit allouer des ressources limitées entre ces différentes demandes. Il s’agit du principe d’allocation des ressources. Les demandes conflictuelles conduisent à des compromis (des ‘trade-offs’) entre les différentes activités : une plante peut utiliser un méristème ou un gramme de carbone pour produire une fleur ou une feuille mais non les deux simultanément. Ces compromis d’allocation expliquent la diversité des formes de vie rencontrées.

Cette partie du cours cherchera à décrire les variations dans les stratégies d’allocation des ressources et la variation des caractères d’histoire de vie. Ensuite, nous déduirons la valeur adaptative de plusieurs de ces allocations. Le principe d’allocation signifie que les individus ont une quantité limitée de ressources à dépenser pour leur croissance, leur maintien (survie) et leur reproduction.

Une stratégie (ou « life history pattern ») est une façon d’allouer les ressources qui a évolué par sélection naturelle, elle est donc héritée génétiquement. Le terme « stratégie » recouvre différentes réalités. Certains théoriciens l’emploient souvent (Hutchinson, MacArthur, Maynard-Smith) contrairement à d’autres (Harper, Godwin). Certains lui voient une connotation anthropocentrique et préfèrent des termes comme « ensemble de traits » ou « syndrome » (Stebbins).

Pour Grime et al. (1988), une stratégie est « un ensemble de caractéristiques génétiques similaires qui intervient dans de nombreuses espèces ou populations et les conduit à exhiber certaines similarités dans leur écologie ».

Il est évident que des stratégies particulières peuvent évoluer aux différents stades du cycle de vie d’un organisme donné, et ce parce que les pressions de sélection sont différentes. Chez les plantes, il est particulièrement indiqué de distinguer les stratégies de croissance des stratégies liées à la régénération comme la multiplication végétative et/ou la reproduction sexuée.

Il y a plusieurs manières de s’adapter à un environnement mais toutes les stratégies ne sont pas équivalentes dans tous les biotopes. La reconnaissance de ces stratégies fournit une clé pour comprendre la structure et la dynamique des communautés et des écosystèmes.

Historiquement, deux types de classification des stratégies primaires des végétaux ont été élaborés parallèlement. D’un côté, la classification binaire en « capitalistes et prolétaires » (Mc Leod en 1894) qui a évolué vers les stratégies « r » et « K » développées par Mac Arthur et Wilson (1967) et particulièrement appliquées au règne animal, et de l’autre la classification en 3 catégories « violents, patients et explorateurs » de Ramenskii (1939) en sociologie puis reprise par Grime (1974) avec « compétiteurs, stress-tolérants et rudéraux » pour le règne végétal. Cette division en trois catégories permet d’inclure des organismes exploitant des environnements improductifs (sous-K sélection) et permet également de distinguer la stratégie développée par les adultes (établis) de celle des juvéniles (régénération). Nous avons choisi ici de nous pencher uniquement sur ce modèle de Grime (C-S-R, Grime et al. 1988).

1. Le modèle C-S-R (Grime)

A. Caractéristiques essentielles

Le modèle C-S-R (compétiteurs – stress tolérants – rudéraux) découle de la classification en deux catégories des facteurs externes affectant la végétation :

1. Stress = phénomènes réduisant la production photosynthétique par:
– manque de lumière,
– manque d’eau,
– manque de nutriments minéraux ou
– températures sub-optimales.
– …

2. Perturbations = destructions partielles ou totales de la biomasse suivant
– les activités des herbivores, des pathogènes, des humains,
– les dommages dus à des vents violents, au gel, à la sécheresse, à l’érosion des sols, au feu, …

Tableau 1 : Classifications des types de végétaux en fonction des intensités de stress et de perturbations

 

En examinant différentes intensités de stress et de perturbations, trois catégories viables sont mises en évidence (Tab. 1). En cas de stress continu et sévère, dans des biotopes hautement perturbés (dunes mouvantes), la croissance ou le ré-établissement de la végétation est inhibé et aucune stratégie n’est viable. Lorsque l’intensité des perturbations et l’intensité du stress sont faibles, la compétition entre individus devient le processus principal.

B. Equilibre entre stress, perturbation et compétition

Suivant ce modèle, la végétation se développant à un endroit particulier en un temps donné est le résultat d’un équilibre entre les intensités de stress (contraintes abiotiques de production), de perturbations (dommages physiques) et de compétition (tendance des voisins à utiliser les mêmes ressources).

Dans ce modèle, stress et perturbations contrôlent l’intensité de la compétition en restreignant la densité et la vigueur de la végétation. A court terme, ce contrôle est exercé par des impacts immédiats sur les plantes établies.

A plus long terme, ce contrôle résulte dans des modifications de la composition spécifique et génétique par des effets sélectifs sur les extinctions et les immigrations.

Si les stress et les perturbations restent faibles, les plantes très compétitives vont envahir la population et former des monocultures.

En réalité, l’équilibre C-S-R varie d’un endroit à l’autre, y compris à l’intérieur d’une communauté ou au cours du temps (jours, saisons, successions). Ainsi, les communautés regroupent souvent des espèces à stratégies différentes.

Figure 1 : Modèle de Grime

C. Processus de sélection

D’après les théories de Stebbins (1974), on peut supposer que les taxons, suivant leur histoire évolutive, répondent de façon différente à la même pression de sélection. Suivant les conditions climatiques, édaphiques ou biotiques endurées au cours de l’histoire évolutive dans des biotopes différents, les réponses aux stress, aux perturbations et à la compétition différeront radicalement.

Un « trade-off » ou compromis peut être défini comme un dilemme évolutif par lequel un changement génétique conférant une meilleure fitness dans des circonstances données, implique inévitablement une fitness moindre dans d’autres circonstances. On peut le définir plus simplement comme une balance entre plusieurs solutions d’allocations de ressources (reproduction vis-à-vis de croissance ; croissance vis-à-vis de résistance aux stress ; nombre de graines vis-à-vis de taille des graines …..). Dans ce qui suit, les trois contraintes sélectives principales, ainsi que les adaptations qu’elles engendrent, sont présentées plus en détail.

  • C.1. Compétition

Quand des biotopes productifs, non perturbés, sont colonisés par des plantes robustes, pérennes, avec un taux de croissance élevé, les zones juste au-dessus ou sous la surface du sol sont occupées par une biomasse dense, en expansion rapide. Dans l’environnement aérien, un couvert s’étend, la mortalité est élevée pour les individus plus faibles ou ne supportant pas l’ombrage, ils seront par exemple également plus facilement attaqués par des pathogènes.
La compétition génère des gradients spatiaux dans les ressources et la sélection pourra favoriser les individus chez lesquels une grande plasticité morphologique permet de trouver des zones plus riches.

  • C.2 Stress

Seul le prélèvement de ressources limitées est possible et la survie comme la reproduction dépendent des capacités de la plante à rester en vie durant de longues périodes de croissance faible. Cela confère un avantage aux espèces pouvant dissocier croissance et prise de ressources. Tant dans la toundra que les déserts, les processus de sélection et les réponses adaptatives sont souvent déterminés par des contraintes climatiques (température, eau) mais aussi un manque chronique de minéraux tels que l’azote ou le phosphore.
La protection des tissus contre les herbivores, de manière à préserver les nutriments ou l’eau acquis difficilement, est également courante chez ces plantes (Cactus par exemple !).

  • C.3 Perturbations

En cas de perturbations fréquentes et sévères, la sélection naturelle favorisera des individus à croissance rapide et reproduction précoce, permettant ainsi d’augmenter la probabilité de laisser une descendance.
Les agents perturbateurs peuvent être climatiques. Par exemple, lors de la dessiccation estivale d’un étang, la boue nue est envahie par des plantes éphémères. De même, pour le désert après une pluie : les éphémères exploitent une niche temporelle très courte mais de relativement haute productivité.

2. Stratégies primaires de croissance

A. Les plantes compétitrices

Les attributs associés à la stratégie compétitive sont souvent liés à la capacité de monopoliser les ressources dans des biotopes productifs et non perturbés (Tab. 2). Ceux-ci incluent un taux de croissance relativement élevé, une taille importante et une tendance à former une plante robuste par extension latérale vigoureuse tant au niveau aérien que souterrain (l’épilobe, Epilobium hirsutum, ou l’ortie, Urtica dioica).

D’autres caractéristiques moins évidentes permettent également une acquisition rapide de nutriments ; telles que la formation d’organes de stockage souterrains qui favorisent un redémarrage rapide de la croissance au printemps.

Ces plantes ont la capacité d’utiliser rapidement des ressources. Un environnement mosaïqué peut ainsi apparaître, dans lequel, malgré l’abondance des ressources, certains points peuvent subir un manque sévère à proximité des feuilles et des racines en fonctionnement. Ainsi une grande plasticité morphologique dans le développement des racines et des tiges sera nécessaire. Elles forment donc des organes en continu durant la période de croissance, mais plus particulièrement suivant des pics de productivité maximale. Ce trait, couplé à une durée de vie plutôt courte des feuilles et des racines, permet un ajustement constant de la distribution spatiale des parties assimilatrices aérienne et souterraine. Ce comportement peut être qualifié de « recherche active ».

Comparées aux plantes éphémères ou aux rudérales de biotopes productifs fréquemment perturbés, les espèces compétitrices fructifient plus tard au cours de leur développement, mais peuvent ensuite fructifier de manière annuelle tout au long de leur vie. Dans des biotopes normalement exploités ou dans des conditions productives non perturbées, un monopole végétatif rapide est le prélude essentiel à l’allocation de ressources pour la reproduction. En contrepartie, cette reproduction décalée empêche ces plantes d’être majoritaires dans des sites fort perturbés.

Les coûts de cette stratégie de « recherche active » sont considérables car ils demandent des taux élevés de réinvestissements de ressources pour la formation de nouveaux organes, suivi par leur rapide sénescence. Des dommages importants dus aux herbivores peuvent encore s’ajouter puisqu’elles investissent peu dans des défenses.

B. Stress-tolérantes

Dans les biotopes à productivité faible, et à disponibilité en ressources brève et imprévisible, c’est-à-dire des nutriments disponibles par à-coups suivant des processus de décomposition par exemple, les compétiteurs ne sont plus adaptés. A ce moment, la capacité de prélever et de retenir des ressources rares dans un environnement physiquement hostile est plus importante (Tab. 2). La conservation des ressources est évidente en cas de faibles taux de croissance et de reproduction tardive. Le stockage des ressources se réalise dans tous les types d’organes, des feuilles aux racines.

Les feuilles des espèces de biotopes non productifs sont comparativement à longues durées de vie, morphologiquement non plastiques et très bien défendues contre les herbivores (Tab. 2). De plus, ces défenses chimiques peuvent être encore opérationnelles après la sénescence et retardent la décomposition de la litière.

Ce fait est compatible avec un contenu organique élevé dans les horizons superficiels de sols infertiles et explique peut-être l’accumulation importante de litière sous des arbres à faible taux de croissance (comme le hêtre, Fagus sylvatica ou le chêne sessile, Quercus petraea).

Les stress-tolérantes, bien que partageant certaines caractéristiques, sont associées à une grande variété de formes de vie et de niches écologiques. Certaines sont caractéristiques des sols calcaires (la primevère, Primula veris), acides (le nard Nardus stricta), de biotopes secs (le thym Thymus praecox) ou tourbeux (le rossolis, Drosera rotundifolia) ou de sols contaminés par les métaux lourds (l’alsine, Minuarta verna). On y retrouve des espèces de taille réduite (lichens, Bryophytes) mais pas nécessairement, car de certains arbres sont également stress-tolérants (les chênes par ex).

C. Les rudérales

 Les rudérales présentent deux caractéristiques aux niveaux de la dynamique des populations et de l’écologie. Elles possèdent (1) un taux de croissance potentiellement élevé durant la phase plantule et (2) une reproduction précoce et de rapides maturation et dispersion des graines (Tab. 2). Ces plantes sont généralement de taille réduite, avec une extension latérale limitée. Ce sont quasi exclusivement des annuelles, avec des durées de vie très courtes, parfois uniquement de quelques semaines.

Chez les adventices et les plantes éphémères des biotopes fréquemment perturbés, ces caractéristiques expliquent les fluctuations rapides de populations. Le stockage des ressources se réalise dans les graines avec formation de banque de graines permanentes dans le sol (chapitre 4). Par exemple, le mouron blanc, Stellaria media, accumule 2700 graines par m2.

Tableau 2 : Quelques caractéristiques des plantes compétitrices, stress tolérantes et rudérales. Les caractéristiques notées en gras sont particulièrement utiles pour classer les stratégies.

 

L’allocation à la production de graines est suspendue si les plantes endurent sécheresse, stress minéral ou croissance à de hautes densités. Ces caractéristiques ne leur permettent pas non plus d’exploiter des biotopes relativement non perturbés. L’allocation rapide vers les fleurs et les graines est incompatible avec le développement de systèmes aérien et racinaire étendus et l’occupation conséquente de biotopes productifs de manière stable.

D. Les stratégies intermédiaires

Les trois stratégies primaires (C, S et R) sont bien entendu des extrêmes de la spécialisation évolutive. D’autres espèces exploitent des conditions intermédiaires qui correspondent à un équilibre particulier entre stress, perturbation et compétition. Une représentation graphique sous forme triangulaire peut être imaginée (Fig. 1). Des exemples d’espèces de tout type sont connus (Tab. 3).

Figure 1 : Représentation triangulaire des catégories d’allocation de ressources.

 

Par exemple, les Compétiteurs-Stress tolérants (CS) font partie de biotopes sans perturbations et à ressources suffisantes pour une croissance modérée (nombreuses plantes ligneuses). Les Stress tolérants-Rudéraux (SR) se retrouvent dans des biotopes improductifs avec des taux intermédiaires de perturbations (éphémères ou géophytes des déserts, annuelles arctiques ou alpines et de nombreuses Bryophytes).

Tableau 3: Espèces typiques de sept catégories de stratégies.

3. Utilisations et limites du modèle C-S-R

Ce modèle est instructif quand il est utilisé comme base conceptuelle pour appréhender la diversité du monde végétal car il permet une classification des milieux et des espèces.

  1. Nombreuses prédictions écologiques : une unique classification des communautés végétales suivant les stratégies de leurs espèces peut servir de prédiction du changement cyclique ou saisonnier.
  2. Analyse des causes de la raréfaction des espèces : par exemple, une étude concernant la rareté des espèces dans une région de développement économique intense dans le Nord de l’Angleterre a conclu à l’influence prépondérante des perturbations et de l’eutrophisation, car les espèces rares étaient majoritairement des stress-tolérantes.
  3. Gestion et conservation des espèces, suivant la spécialisation écologique ancestrale : Beaucoup de Bryophytes ou des familles assez primitives comme les Rosacées ou les Fabacées montrent des caractéristiques de stress-tolérantes (taux de croissance faible, reproduction tardive) et les caractéristiques des propagules (trop petites comme chez les Ptéridophytes, ou trop grandes) inappropriées pour une colonisation effective d’espaces perturbés par l’homme.

Le modèle a cependant des limites car de nombreux paramètres influencent la présence ou non d’une espèce particulière.Certaines espèces sont difficiles à classer (ex : Lathyrus montanus est CSR intermédiaire ou S). Il existe une certaine variation à l’intérieur de chaque espèce qui peut être due soit à la présence de différents écotypes soit à une stratégie différente aux stades adulte et plantule.

D’autres types de classification sont possibles, par exemple, suivant des types fonctionnels (fixateurs d’azote, parasites, ..) ou des formes de vie (d’après Raunkier, phanérophytes, chaméphytes, herbacées, etc.)

1. Introduction

Comme nous l’avons vu, les demandes conflictuelles pour l’allocation des ressources conduisent à des compromis (tradeoffs) entre les différentes activités : une plante peut utiliser un méristème ou un gramme de carbone pour produire une fleur ou une feuille mais non les deux simultanément. Deux classes de compromis sont assez universelles : (1) compromis entre la reproduction et les autres activités, qui manifestent le coût de la reproduction et (2) compromis entre la taille et le nombre de descendants.

Les allocations dans ces compromis peuvent être mesurées, entre autres, par des corrélations phénotypiques. De telles corrélations phénotypiques entre reproduction et croissance sont souvent négatives. Lors des années de grande production de graines, la croissance végétative est réduite, telle que la production de bois chez des Gymnospermes tels que Pseudotsuga menziesii, Abies grandis ou Pinus monticola.

La croissance du bois de hêtre, Fagus sylvatica, par exemple, est réduite durant plus de deux ans après une bonne « faînée ». La croissance racinaire est également affectée par la reproduction et des fructifications même médiocres réduisent cette croissance chez les pommiers. Ces alternances dans la production de fruits sont bien connues des arboriculteurs.

L’évolution des traits d’histoire de vie répond à ces contraintes en ressources. La façon dont une plante gère ses demandes conflictuelles affecte sa valeur sélective (fitness) et ses caractéristiques. La sélection naturelle favorise les individus optimisant l’équilibre entre coûts et bénéfices. Le phénotype optimum dépend des circonstances écologiques rencontrées par la plante et une grande variété de traits en découle. Si nous voulons tester l’hypothèse qu’un trait est adaptatif dans un environnement particulier, nous devons mesurer les coûts et les bénéfices de ce trait en termes d’effets positifs et négatifs sur la fitness. Les traits en question doivent être héritables pour que la sélection puisse agir sur eux.

Tout comme les autres caractères, nous pouvons nous attendre à ce que le régime de reproduction converge vers un optimum qui maximise la valeur sélective de l’individu. Cette valeur sélective est déterminée par la quantité et la qualité des descendants.
La quantité de descendants dépend de deux processus d’allocation :

  • l’allocation d’une plante en faveur de la reproduction
  • l’allocation entre les fonctions mâle et femelle.

2. Evolution des régimes de reproduction

Nous allons distinguer le mode de reproduction de l’espèce, qui se réfère à l’origine du grain de pollen fécondant l’ovule (« mating system ») de l’organisation des organes sexuels chez les végétaux, que nous nommerons système de reproduction.

Le dépôt de pollen sur le stigmate d’une fleur se réfère à la pollinisation. Divers agents, biotiques et abiotiques, permettent ce transfert entre les étamines et le stigmate. Ensuite, si le pollen est compatible et le stigmate réceptif, ce pollen germera, et conduira son tube pollinique jusqu’à proximité des ovules. Chez les Angiospermes, les deux gamètes mâles du pollen fusionneront avec d’une part l’oosphère du sac embryonnaire pour l’un ce qui engendrera l’embryon, et d’autre part, avec une cellule végétative du même sac, ce qui engendrera l’albumen triploïde. Dans ce cas, il s’agit de fécondation. Il s’agit donc d’une double fécondation. Suivant que ces dépôts de pollen et la fécondation subséquente se réalisent au sein d’un même individu ou entre individus, une nomenclature particulière est utilisée (Tab.4).

Au sein de la même fleur hermaphrodite, le dépôt de pollen sur son propre stigmate se réfère à une auto-pollinisation, conduisant à une autogamie (« selfing »). Entre fleurs d’un même individu, il s’agit d’une gitono-pollinisation mais qui conduit de la même manière à une autogamie au sens génétique du terme. Entre individus de la même espèce, on parlera de pollinisation croisée ou allo-pollinisation ; conduisant à une fécondation croisée ou allogamie (« outcrossing »). Au niveau génétique donc, soit la génération future sera composée des gènes du même individu parent en cas d’autogamie ; soit il y aura mélange des génotypes et production de descendants différents des parents en cas de fécondation croisée.
Bien entendu, il est parfois possible de réussir des fécondations entre espèces différentes, il s’agit alors d’un autre phénomène, celui de l’hybridation (Tab. 4).

Tableau 4 : Nomenclature des types de pollinisations et de fécondation possibles.

 

Ces différents modes de pollinisation et de fécondation sont favorisés ou non par une architecture particulière ou une disposition des « organes sexuels » (étamines contenant le pollen et gynécée contenant les ovules). Par extension anthropomorphique, les organes ou fleurs seront nommés « mâles » s’ils portent les gamètes mâles et donc le pollen ; et « femelles » s’il s’agit des ovules. D’autres nomenclatures existent et par exemple les fleurs mâles peuvent s’appeler plus correctement fleurs staminées ou en fonction plutôt du fonctionnement et de la stérilité mise en place, fleurs femelles stériles. Dans ce cas, les fleurs femelles se nomment fleurs pistillées.

La grande majorité des Angiospermes (72 %) présente des fleurs hermaphrodites, dans lesquelles les deux types d’organes sont présents. Elles peuvent donc être fécondées par autogamie ou allogamie.

D’autres espèces présentent diverses façons de séparer les sexes. Si les fleurs mâles et femelles sont portées par un même individu, il s’agit de monoécie. Si ces fleurs sont portées par des individus séparés, il s’agit de dioécie.

De plus, certaines espèces présentent des types plus complexes : fleurs mâles et fleurs hermaphrodites sur un même individu, ce qui conduit à l’andromonoécie ; fleurs femelles et fleurs hermaphrodites sur des individus séparés, ce qui se nomme gynodioécie ….

Tableau 5: Terminologie des systèmes reproducteurs avec importance chez les Angiospermes.

 

De nombreux systèmes existent pour semble-t-il éviter l’autogamie.

D’une part, les sexes sont séparés temporellement (protandrie et protogynie), soit spatialement (herchogamie, voir encadré).

D’autre part, des mécanismes d’auto-incompatibilité physiologiques empêchent la germination du pollen et la croissance des tubes polliniques après auto-pollinisation. Il s’agit donc bien d’un mécanisme intervenant avant la fécondation. On dira que l’auto-incompatibilité, qu’elle soit sporophytique ou gamétophytique, est un phénomène pré-zygotique contre l’autogamie.

Parfois, plusieurs systèmes sont développés ensemble : tels est le cas des espèces hétérostyles à auto-incompatibilité entre les différents morphes (formes) florales. Ces cas se retrouvent chez des distyles, qui présentent des individus longistyles à long style et étamines courtes et des individus brévistyles à style court et étamines longues, telles que les primevères, Primula, le sarrasin, Fagopyrum esculentum ou le trèfle d’eau, Menyanthes trifoliata. Des cas de tristylies existent également comme chez la salicaire, Lythrum salicaria ou la jacinthe d’eau, Eichhornia crassipes.

Quels sont les mécanismes limitant l’autofécondation ?

  1. Soit un décalage temporel des fonctions mâle et femelle ou dichogamie :
    • protandrie : la déhiscence des anthères précède la réceptivité stigmatique
    • protogynie : la réceptivité stigmatique précède la déhiscence des anthères
  2. Soit une séparation spatiale des anthères et des stigmates :
    • herchogamie : séparation spatiale à l’intérieur de la fleur
    • hétérostylie : variation entre plantes de la taille du style et des étamines ; les croisements ne peuvent se faire qu’entre morphes différents
    • séparation dans des fleurs séparées : monoécie, dioécie, andromonoécie ….
  3. Soit par un mécanisme physiologique
    Auto-incompatibilité : empêche la germination de l’auto-pollen ou la croissance des tubes polliniques issus d’auto-pollinisation. Il existe deux catégories :

Le locus d’auto-incompatibilité est soumis à une sélection fréquence-dépendante négative intense. Ceci signifie que les allèles rares sont favorisés par rapport aux allèles plus fréquents et augmentent donc en fréquence jusqu’à atteindre un équilibre. Il en résulte une diversité allélique élevée, et ce que l’on appelle l’évolution trans-spécifique, qui est observée quand les lignées alléliques présentes chez un ancêtre commun sont transmises à travers la spéciation aux deux espèces filles. Les espèces auto-incompatibles présentent donc une grande diversité d’allèles d’incompatibilité (souvent appelés « S ») comme chez les Rosacées, y compris les arbres fruitiers que sont les poiriers, pêchers, cerisiers …(Fig. 2)

Figure 2. Evolution de l’auto-incompatibilité rapide et trans-spécifique (Igic & Kohn 2006).

A. Adaptations à la pollinisation (film R. Attenborough)

De nombreux modes de pollinisation existent, mettant en jeu des mécanismes remarquables étant donné la très grande variété des adaptations sélectionnées au cours de l’évolution (co-évolution fleurs-insectes pollinisateurs comme par exemple chez les Ophrys). Quelques-uns seulement seront présentés ici.

Elle semble a priori dispendieuse en pollen et irrationnelle. Elle correspond cependant à une réussite de l’évolution puisqu’elle est très répandue chez les Gymnospermes et les Angiospermes, surtout dans les régions tempérées et froides du globe (Graminées, arbres printaniers tempérés tels que le noisetier, Coryllus avellana). On admet aujourd’hui que l’anémophilie des Angiospermes n’est pas primitive, elle correspond plutôt à une acquisition secondaire liée à l’absence d’animaux pollinisateurs dans certaines zones climatiques. La première conséquence du caractère hasardeux de l’anémophilie est le risque d’autofécondation. Celle-ci est évitée, au moins chez les Gymnospermes et beaucoup d’Angiospermes, par la séparation spatiale des sexes par dioécie.

L’aspect « gaspillage » est illustré par les « pluies de soufre » qui ont souvent défrayé la chronique dans les siècles passés : elles correspondent à l’accumulation de pollens de Conifères dans des courants d’air.

L’efficacité de la pollinisation par le vent est liée à plusieurs paramètres : 1) le transport, qui met en jeu la légèreté des pollens anémogames, et 2) leur collecte, par l’adaptation des surfaces stigmatiques tels que des stigmates plumeux, de grande surface et munis de nombreux trichomes (poils) chez les Graminées par exemple. Les pollens sont donc nombreux, légers (ballonnets chez les Conifères) ou de petite taille, et pulvérulents (sans système d’accrochage). Par ailleurs, des études en soufflerie ont démontré, par exemple, que l’architecture des cônes de Gymnospermes aussi bien que celle des inflorescences des Angiospermes anémophiles est particulièrement bien adaptée au largage et à la capture des grains de pollen.

Elle met en jeu la recherche de nourriture par les pollinisateurs et la présence de repères floraux pour la localiser. De très nombreux dispositifs adaptatifs en assurent l’efficacité tant au niveau des appâts (pollen et nectar) que des repères (couleur, marques d’affichage, forme, odeurs). Au niveau forme par exemple, des corolles profondes et fermées ne seront disponibles que pour des insectes spécialisés, dont la longueur des pièces buccales correspond à la profondeur de la corolle. Dans les contrées froides tempérées, les pollinisateurs principaux sont surtout des Hyménoptères (abeilles, bourdons) et des Syrphes (famille de Diptères). Les bourdons sont particulièrement efficaces et pour certaines espèces végétales, sont les seuls pollinisateurs car ils sont capables de faire vibrer leurs muscles thoraciques, entraînant la vibration des étamines, ce qui permet de libérer le pollen pour des étamines poricides (ne s’ouvrant que par un pore étroit au sommet). C’est la pollinisation par sonication ou « buzzing », comme pour la tomate, la myrtille …

Les appâts sont constitués par le nectar et par le pollen. Il s’agit de deux sources d’alimentation intéressantes pour les pollinisateurs : le pollen constitue la source principale de protéines et de stérols ; le nectar est source de sucres. Ce pollen présente une exine (couche externe) souvent très ornée et la présence de molécules adhésives à sa surface, ou manteau pollinique, contribuent fortement à son accrochage aux poils, antennes et autres parties du corps des insectes ; son transport est ainsi grandement facilité. Il est produit en quantité plus restreinte que par anémophilie et parfois en paquets agglomérés (les pollinies chez les Orchidées par exemple).

Les nectars sont des liquides sucrés, exsudés par des glandes florales ou extraflorales, les nectaires, qui concourent à l’attraction des pollinisateurs et, par là, à l’efficacité de la pollinisation. Les nectaires floraux sont directement associés à la visite des pollinisateurs ; le rôle des nectaires extrafloraux est moins évident. Il a été établi cependant que dans certains cas, les deux types de nectaires peuvent contribuer à la pollinisation. Ainsi, chez une Acanthacée, Thunbergia, les fourmis, appâtées par le nectar extrafloral, interdisent l’accès de la corolle aux insectes prédateurs voleurs qui la perforent par l’extérieur donc sans polliniser.

La composition du nectar, particulièrement les proportions relatives en différents sucres, est assez spécifique d’une espèce donnée et explique la relative « fidélité » d’un pollinisateur à une fleur et justifie par exemple l’origine monospécifique d’un miel. La concentration totale en sucres ainsi que leurs proportions relatives diffèrent d’une espèce à l’autre mais également suivant les conditions environnementales, particulièrement les températures et l’humidité relative. Les principaux sucres des nectars sont le saccharose, le glucose et le fructose.

Les repères sont organisés de manière à faciliter la reconnaissance à distance et de guider au voisinage des sources de nourriture.

L’appareil d’affichage et les couleurs des fleurs sont perçus par les pollinisateurs différemment de ce que nous voyons. L’oeil de l’abeille, par exemple, est sensible à un spectre de radiations lumineuses compris entre 300 et 650 nm, longueurs d’onde incluant certains UV mais excluant les rouges. Ainsi, de véritables guides visibles par les insectes apparaissent sous l’action des UV sur des pigments, comme les caroténoïdes ou les flavonoïdes, présents dans les vacuoles des cellules des pièces florales. Les fleurs entomophiles seront donc souvent de couleurs vives, très variables mais avec relativement peu de fleurs rouges. Les couleurs blanches ou jaunes attirent par exemple particulièrement les Diptères.

Le mimétisme existe chez de nombreuses espèces et peut renforcer l’appareil d’affichage. Outre la convergence morphologique de la fleur avec d’autres fleurs productrices de nectar, des femelles d’insectes, ou l’émission de molécules odorantes ressemblant aux phéromones (hormones sexuelles par exemple) peuvent attirer le pollinisateur et déclencher un comportement de l’animal de pseudo-copulation permettant la pollinisation (Orchidées : Ophrys sp., Drakaea glyptodon, l’ « orchidée dragon »).

Les parfums floraux sont généralement libérés de manière diffuse ; dans certains cas, ils sont cependant émis par des organes précis : les glandes à parfums, ou osmophores, d’origine épidermique et liées au phloème.

La nature chimique des parfums émis est très variable. Beaucoup appartiennent aux composés terpéniques et sont produits dans les plastes avant d’être accumulés dans les vacuoles. La teneur en parfum est très variable suivant les espèces (0,075 % du poids frais chez les roses, 0,04 % chez le jasmin).

Certaines espèces attirant des Diptères émettent des molécules s’apparentant à l’ammoniac ou à des amines (le ‘dead horse arum’, Helicodiceros muscivorus,; l’arum titan, Amorphophallus titanum).

La production de chaleur (+ 2 °C) en rapport avec la pollinisation, est un phénomène rencontré chez certaines familles, dont les Aracées. Elle provoque la libération d’odeurs putrides (amines) attirant les diptères pollinisateurs. Une molécule, l’acide salicylique, est responsable de cette élévation de température.

Certaines fleurs (surtout chez les Orchidées mais aussi les lysimaques) produisent des huiles nécessaires et récoltées par leurs pollinisateurs spécialisés (qui les accumulent dans des pattes transformées).

Finalement, la phénologie est souvent liée au type d’insectes pollinisateurs. Ainsi, les fleurs pollinisées par les papillons de nuit s’ouvrent au crépuscule (le chèvre-feuille, Lonicera periclymenum).

Dans les régions tropicales ou sub-tropicales, des oiseaux pollinisent de nombreuses espèces (Lobelia spp.). Deux grands types d’évolution différentes existent suivant les continents : les colibris en Amériques, utilisent le vol rapide sur place au contraire des méliphages d’Afrique ou d’Asie qui se posent sur les plantes. Ces oiseaux étant totalement ou grandement dépendants des ressources en nectar, il faut donc une succession de fleurs productrices durant toute l’année. C’est la raison pour laquelle ce type de pollinisation n’existe pas dans les contrées tempérées ou froides ! De nombreux cas de co-évolution existent et ces oiseaux nectarivores présentent même un système digestif totalement différent des espèces se nourrissant par d’autres voies.

Des mammifères, notamment les chauve-souris (par exemple pour les baobabs ou les arbres de Durian, Durio zibethinus) peuvent être des pollinisateurs très efficaces.

Dans leur cas, les fleurs s’épanouissent la nuit, sont de couleur claire, ont une morphologie pendante et produisent un pollen et un nectar abondant.

Les lémurs noirs pollinisent le palmier des voyageurs (Ravanula madagascariensis) à Madagascar. Tout comme les chauves-souris, un grand avantage pour les espèces pollinisées tient aux grandes distances que sont capables de franchir ces espèces entre deux « arrêts alimentaires », permettant ainsi au moins en partie des pollinisations croisées.

Certains Protea de Nouvelle-Zélande sont même pollinisés par des geckos, alors que d’autres espèces du même genre reçoivent les services de petits marsupiaux.

Elle est limitée à quelques Angiospermes vivant partiellement immergées en eau douce ou saumâtre (zostères, Zostera ou posidonies, Posidonia). Chez ces espèces, la dioécie est fréquente et les fleurs sont toujours dépourvues, de périanthe, autorisant un accès plus facile du pollen aux fleurs femelles réduites seulement à un pistil terminé par de grandes surfaces stigmatiques. Toutes ces espèces présentent des pollens filamenteux, légers et mouillables car dépourvus d’exine, pouvant atteindre plusieurs millimètres de long.

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B. L’autogamie et la dépression de consanguinité 

Les gènes d’une plante sont transmis via le pollen et les ovules. Puisque chaque descendant, possède une copie maternelle et une copie paternelle, chaque plante hermaphrodite transmettra, en moyenne, deux copies de gènes à la génération suivante dans une population à l’équilibre démographique. Si un mutant porteur d’un gène pour l’autofertilité apparaît, cette plante sera capable de transmettre un gène pour l’autofertilité en fécondant une autre plante avec son pollen mais elle transmettra deux copies de gènes d’autofertilité à la génération suivante par ses graines autofécondées. En d’autres mots, l’autogame transmettra quatre copies à la génération suivante pour deux copies chez un allogame (Figure 3). Au moins initialement, lorsque le gène pour l’autogamie est rare, la fréquence des autogames devrait augmenter de 50 % à chaque génération. Cela suggère que la sélection naturelle devrait favoriser l’autogamie vis à vis de l’allogamie.

Figure 3. Représentation schématique du nombre de copies d’un gène, par exemple A1, chez une espèce diploïde. En cas d’autogamie, le parent porteur, fournira la moitié des gamètes porteurs de A1, dans la descendance, suivant les appariements des deux types de gamètes produits, il y aura 4 copies du gène et ¾ descendants porteurs. En cas d’allogamie, le parent porteur ne peut passer à la génération suivante que 2 copies et 2/4 descendants seront porteurs. Le nombre de copies a donc diminué d’un facteur 2, d’où un coût de la sexualité allogame estimé à deux.

Il est généralement admis que la force sélective principale en défaveur de l’autogamie est l’effet physiologique délétère de la consanguinité connu sous le vocable de dépression de consanguinité (‘inbreeding depression’), qui réduit la vigueur des descendants consanguins. S’il existe un avantage des hétérozygotes, la dépression de consanguinité peut être causée par la perte des hétérozygotes qui accompagne l’autogamie, mais il est plus probable que l’expression de gènes récessifs délétères dans la descendance des consanguins soit à incriminer.

Alors qu’il n’en connaissait pas la cause génétique, Darwin (1876) a observé de la dépression de consanguinité chez de nombreuses plantes et a suggéré qu’il existait une force sélective en faveur de systèmes de reproduction allogames.

La dépression de consanguinité (d) est observée après autofécondation. Elle se calcule en comparant le succès d’auto-pollinisations vis-à-vis d’allo-pollinisations, suivant la formule ci-dessous:

d = 1 – Ws/Wo
avec Ws : succès reproducteur après auto-pollinisations,
Wo : succès reproducteur après allo-pollinisations

Le succès reproducteur est estimé par le pourcentage de fructification, le nombre de graines viables produit par fruit, le taux de germination, la survie et la croissance des plantules … et jusqu’au nombre de fleurs puis de fruits produits par ces descendants.

La valeur de d varie entre 0 et 1.

Par exemple, la dépression de consanguinité chez la myrtille, Vaccinium myrtillus, a été calculée pour plusieurs stades :
% fructification: 1 – 68/86 = 0,21
Nombre de graines pleines: 1- 10/52= 0,81
% germination: 1 – 78/93 = 0,16

Donc au total d = 1 – (68/86 x 10/51,6 x 78/93) = 0,87

Cette valeur est élevée et indique de la myrtille souffre gravement de dépression de consanguinité.

Les Gymnospermes sont en général allogames et un grand désavantage à la descendance après autogamie est souvent observé dans la proportion de graines viables, les taux de germination, la taille de la plante et sa survie. Mais même des espèces majoritairement autogames peuvent souffrir de dépression de consanguinité.

Basé sur l’avantage de 50 % de transmission de l’autogamie, les modèles de génétique des populations ont montré qu’un gène qui augmente le taux d’autogamie sans altérer la production en pollen pourrait envahir une population allogame lorsque d < 0,5 k où k est l’efficacité relative de la fécondation par allogamie chez les individus capables d’autogamie, par rapport aux individus strictement allogames. Une diminution de la capacité d’allo-pollinisation (k < 1) peut être observée par exemple si une grande part du pollen produit est « perdu » par auto-pollinisation. Une telle réduction de l’export de pollen (‘pollen discounting’) réduit évidemment l’avantage de 50% conféré par l’autogamie et, par conséquent, des niveaux de dépression de consanguinité inférieurs à 0,5 suffisent pour bloquer l’évolution vers l’autogamie.

La vision traditionnelle de l’évolution des régimes de reproduction chez les végétaux montre que le taux d’autogamie varie entre 0 et 1 suivant les circonstances locales.

Cette vision est amplement corroborée par une grande variation des taux d’autogamie observés chez de nombreuses espèces. Par exemple, les taux d’autogamie chez le lupin, Lupinus nanus varient entre 0 et 1 et sont négativement corrélés avec l’abondance des pollinisateurs. Les théories traditionnelles prétendent que l’évolution tend soit vers une augmentation rapide de l’autogamie lorsque d < 0,5k, soit vers une augmentation rapide de l’allogamie lorsque  d> 0,5k (Schemske et Lande 1985). Cette vision traditionnelle estime que les modes intermédiaires ou mixtes de reproduction sont assez rares et les valeurs des taux d’allogamie (t) sont distribués de façon bimodale, avec une majorité de populations ou d’espèces proches de 0 ou de 1.

En fait, les modèles théoriques ne parviennent pas à expliquer l’existence et le maintien de régimes mixtes de reproduction. Trois solutions à ce maintien ont été proposées.

  1. Des espèces à système mixte, comme Lupinus nanus seraient non stables démographiquement et spécialement dépendant d’événements de colonisation ou de catastrophes locales qui créeraient des goulots d’étranglement (‘bottleneck’) dans la population.
    L’autogamie induite par la petite taille des populations pourrait réduire la dépression de consanguinité subséquente de par une forte sélection à l’encontre des gènes délétères exprimés chez les homozygotes. Par cette purge, en diminuant la dépression de consanguinité, les goulots d’étranglement pourraient dès lors favoriser l’extension de l’autogamie.
  2. Une seconde vision, proposée par Holsinger (1986), est qu’en plus de la dépression de consanguinité, les descendants issus d’autogamie souffrent d’un autre handicap lorsqu’ils sont dispersés parce qu’ils ne sont adaptés qu’à des conditions très locales. Des descendants allogames ont de meilleures performances de par leur plus grande variabilité génétique. Des plantes telles que la balsamine, Impatiens capensis, ou les violettes, Viola spp. qui produisent des fleurs cleistogames et chasmogames chez un même individu, présentent des régimes de reproduction mixtes, dépendant du taux d’allogamie des fleurs chasmogames, et dans tous les cas, les graines autogames sont dispersées bien moins loin que les autres. La vigueur des descendants obtenus par autogamie diminue et la dépression de consanguinité augmente avec la distance du parent, supportant l’hypothèse qu’il existe des adaptations locales à des microsites. Néanmoins, l’autogamie dans ce cas constitue une « assurance à la reproduction ». Dans des conditions défavorables à la pollinisation, l’autogamie peut donc se maintenir par la limitation du transfert de pollen.
  3. Une troisième vision propose que l’avantage de l’autogamie soit fréquence-dépendant. Des autogamies répétées résultent dans une parenté plus grande entre des plantes « voisines ». En fait, une plante « allogame » dans une telle structure génétique de population s’autoféconde avec ses apparentés plutôt qu’avec elle-même, et cette consanguinité bi-parentale pourrait maintenir des régimes mixtes de reproduction à l’équilibre.

Plus récemment, alors que l’étude de Schemske et Lande portait uniquement sur 55 espèces, de nombreuses études, se basant sur plusieurs centaines d’espèces, ont montré que les régimes mixtes, à taux intermédiaire d’allogamie, sont très communs dans le monde végétal (Barrett 2003 ; Goodwillie et al. 2005 ; Igic & Khon 2006). Des arguments écologiques et génétiques permettent d’expliquer le maintien de tels régimes intermédiaires (Porcher & Lande 2005). Ces arguments incluent la limitation de transfert de pollen et les fluctuations stochastiques de la purge de la dépression de consanguinité.

Pour de très nombreuses espèces, sauvages mais également cultivées, le mode de reproduction et donc leur capacité d’auto-fertilité n’est pas encore connue.

L’observation de la morphologie des fleurs, en particulier lorsque le but est de comparer entre espèces très proches apparentées (au sein d’un genre par exemple), peut apporter des indices en faveur ou non de l’auto-fertilité de l’espèce (Cruden 2000). Des fleurs hermaphrodites dont anthères et stigmates sont matures au même moment et dont la séparation spatiale est minimale ou un rapport très faible entre le nombre de grains de pollen et faible le nombre d’ovules par fleur, laissent suspecter une propension nette à l’autogamie. Au contraire, une espèce dont les organes sont séparés tant spatialement que temporellement et présente de très nombreux grains de pollen par ovule (> 2000) invite à la ranger parmi les allogames. Mais ces indices ne remplacent pas les deux démarches bien plus précises, qui elles peuvent prouver si (1) l’espèce est auto-compatible, si elle souffre de dépresssion de consanguinité et qui (2) évaluent en populations naturelles la part d’allogamie.

La technique la plus simple et instructive est celle des pollinisations manuelles. En particulier, les résultats issus d’auto- et d’allo- pollinisations seront comparés. L’idéal est de travailler dans des conditions contrôlées afin d’éviter les interférences dues aux conditions environnementales changeantes … mais les cultures ne sont pas toujours possibles vu les délais de floraison ou la taille de certaines espèces. Ces pollinisations se réalisent de préférence sur des fleurs dans des conditions similaires et pour plusieurs individus. La récolte des styles après quelques heures ou jours après pollinisation permet de détecter tout phénomène d’auto-incompatibilité. Les grains de pollen et les tubes polliniques, chargés en callose, sont observés en microscopie de fluorescence après une coloration particulière. Tout arrêt de croissance ou tout souci de germination, croissance plus lente, bouchons de callose anormaux, etc. sera interprété comme un indice d’auto-incompatibilité complète ou partielle.

Sur ces mêmes individus, les fleurs pollinisées seront suivies jusqu’à la fructification : les taux de fructification et de mises à graines, la germination de ces graines, la croissance des descendants. Ces résultats permettront de connaître les capacités d’auto-fertilité de l’espèce et de calculer la dépression de consanguinité.

Afin de connaître la proportion d’auto et d’allo- gamies en populations naturelles, le recours à des marqueurs moléculaires est d’une précision et efficacité remarquable. Les seuls désavantages sont le coût plus élevé et le temps souvent important de mise au point de tels marqueurs génétiques.

Comment étudier le mode de reproduction d’une espèce ?

  1. Pollinisations expérimentales : des pollinisations manuelles permettent de comparer soit la pollinisation (suivi des tubes polliniques dans les styles par microscopie de fluorescence), soit la fructification (rapport fruits/fleurs ; rapport graines pleines/ovules, …) après dépôt de pollen autogame ou allogame.
    On peut ainsi distinguer deux phénomènes différents :
  2. Taux d’allogamie. L’étude par marqueurs moléculaires co-dominants (allozymes, microsatellites) permet de calculer la proportion d’événements allogames et autogames au niveau des populations.

Par exemple, pour la myrtille, Vaccinium myrtillus, nous avons obtenu des résultats indiquant tous un système mixte de reproduction :

  • Pollinisations expérimentales :
    Germination et croissance des tubes polliniques en même nombre et à la même vitesse : l’espèce est bien auto-compatible !
    Fructifications similaires en nature (23 %)
    Nombre de graines inférieur après autogamie (11 vs. 19 %), leur germination également : cette espèce auto-compatible souffre donc cependant de dépression de consanguinité.
  • Taux d’allogamie : tm = 0,66-0,75 soit 70 % en moyenne d’événements allogames. Donc, en populations naturelles, les pollinisations et fécondations croisées sont majoritaires mais il reste cependant 30 % en moyenne d’événements autogames alors que l’espèce souffre de dépression de consanguinité. Ce taux élevé est du à la gitono-pollinisation, les bourdons pollinisateurs visitant de nombreuses fleurs sur un même buisson.

C. Evolution du sexe

L’existence du sexe est un paradoxe évolutif important. Les désavantages de la reproduction sexuée sont plus facilement mis en évidence que ses avantages. Le mystère est d’autant plus profond que certaines plantes, telle que les micro-espèces du commun pissenlit, Taraxacum officinale, ou de la ronce, Rubus fruticosus, ont perdu la faculté de se reproduire sexuellement et pourtant gardent des formes de fleurs attractives et des anthères produisant du pollen. Pour expliquer pourquoi la majorité des plantes se reproduit sexuellement nous devons résoudre une contradiction apparente :

  • la sélection naturelle favorise les génotypes qui transmettent le plus grand nombre de copies de leurs gènes aux générations suivantes ;
  • la reproduction sexuée produit des descendants différents de leurs parents.

Du point de vue maternel, du fait que les descendants produits par sexualité portent les contributions génétiques égales du père et de la mère, la mère ne transmet que la moitié de ses gènes. Au contraire, une mère se reproduisant de manière asexuée transmettra tous ses gènes. Il y a donc un désavantage (de deux pour une espèce allogame) intrinsèque au sexe lorsque ses conséquences sont comparées à la multiplication asexuée. De plus, les individus se reproduisant sexuellement portent le coût physiologique des organes mâles et du pollen ou des individus mâles si les sexes sont séparés. Une plante se propageant de manière asexuée peut, en théorie au moins, éviter ces désavantages.

Si une plante se reproduisant sexuellement est auto-fertile, le désavantage du sexe diminuera en proportion du degré d’autogamie. Les plantes présentant un taux élevé d’autogamie ont généralement réduit leurs organes mâles, diminuant ce coût également. Chez des espèces, comme la balsamine ne-me-touchez-pas, Impatiens noli-tangere, qui présente à la fois des fleurs chasmogames et cléistogames, les fleurs chasmogames sont généralement les plus grandes des deux types. Cependant, il est intéressant de noter que certaines plantes apomictiques (produisant des graines de manière asexuée), tel que le pissenlit, produisent toujours de grandes quantités de pollen. Cela peut être simplement du au fait que la perte de la sexualité a entraîné la perte de la source principale de la variation génétique nécessaire pour évoluer vers une réduction de la production de pollen. Les taxons apomictiques sont considérés comme des voies sans issue de l’évolution.

C.1 Les avantages évolutifs

A long terme, l’avantage évolutif de populations sexuées est plus grand que celui de populations asexuées parce que le recours à la sexualité est capable de purger les mutations délétères accumulées. Les rares mutations bénéfiques pouvant survenir chez des individus se propageant de manière végétative resteront génétiquement isolées l’une de l’autre dans une population asexuée, alors qu’elles pourraient donner naissance à de nouveaux génotypes par l’intermédiaire du sexe. Il existe donc des avantages liés au sexe à la fois au niveau du groupe et de l’espèce. Il semble donc que les désavantages (coûts) à court terme de la reproduction sexuée sont contre-balancés par les bénéfices à long terme car les lignées sexuelles avec une tendance prononcée vers la multiplication végétative sont soumises à un taux important d’extinction, alors que les lignées sexuelles avec une faible propension à la multiplication végétative présentent un taux de spéciation plus élevé et un taux d’extinction plus faible.

C.2 Apomixie et l’équilibre entre avantages à court et long terme

Les plantes apomictiques produisent des graines sans fécondation, en les générant par mitose ou par une méiose modifiée pour laquelle la division réductionnelle manque.

Certaines plantes apomictiques le sont de façon facultative et maintiennent une reproduction sexuée (Oxalis dillenii subsp. filipes), beaucoup sont polyploïdes et presque toutes sont pérennes. De telles espèces sont particulièrement fréquentes chez les Asteracées, les Poacées et les Rosacées, mais se rencontrent également dans d’autres familles. Il faut noter que toutes les apomictiques possèdent des parents proches se reproduisant sexuellement, souvent dans le même genre mais que les apomictiques surpassent en nombre leurs cousines sexuées. Par exemple, la ronce, Rubus sp., est présente en Angleterre par 1 forme sexuée et 368 formes apomictiques. Nonante pourcents des pissenlits, Taraxacum officinale, reconnus sont des apomictiques obligatoires, et le concept d’espèce ne s’applique plus dans de tels cas et est remplacé par les termes micro-espèce ou lignée clonale. L’existence d’espèces proches « sexuées » et « asexuées » offre des opportunités idéales pour comparer les conséquences à court et à long terme de la sexualité et suggère que l’apomixie a évolué récemment et séparément dans un certain nombre de taxons.
Bien qu’il n’y ait pas de fusion de gamètes, la plupart des apomictiques, telle que Rubus fruticosus, sont « pseudogames » et requièrent une pollinisation pour produire leurs graines car un noyau pollinique est nécessaire pour former l’albumen. Chez de telles plantes, le coût de l’attraction des pollinisateurs n’est pas réduit alors que l’avantage du brassage génétique a disparu.

Types d’apomixie :

Figure 4 : Ovule des Angiospermes

 

La limitation du transfert de pollen explique de nombreux cas d’apomixie car le phénomène se retrouve régulièrement chez des taxons auto-incompatibles.

D. Les coûts reproductifs des fonctions mâle et femelle

Répétons encore qu’en termes évolutifs, une plante alloue ses ressources de façon à maximiser sa fitness, ce qui implique des compromis entre reproduction et croissance mais également entre fonctions mâle et femelle. En théorie, chez une espèce allogame, l’investissement entre pollen et ovules est similaire dans une population prise dans son ensemble car chaque graine doit avoir un père et une mère ; donc dans la population, la transmission de gènes par les fonctions mâle et femelle doivent être égales.

Il est difficile de tester cette hypothèse car il faudrait calculer le coût de chacune des parties. Par exemple, il est clair que certaines économies sont réalisées pour des fleurs hermaphrodites, ainsi la plante est libre d’agir en tant que mâle ou femelle dans une variété de fécondations et un seul lot de pétales et d’autres appâts suffisent à attirer les pollinisateurs pour les parties des deux sexes. Les fleurs hermaphrodites sont particulièrement économiques si la fleur est capable d’accepter son propre pollen car elle économise les pertes dues aux insectes (nourriture et transport).

Pour les hermaphrodites cependant, il est difficile d’affecter chaque coût à un sexe en particulier : chacun une moitié ? Certains auteurs ont suggéré que les parties attractives de la fleur attirent les pollinisateurs pour exporter le pollen et ont moins d’influence sur le nombre d’ovules fécondés. La fonction femelle peut être satisfaite par une seule visite d’insectes alors qu’il en faut plusieurs pour disperser le pollen.

Presque toutes les études indiquent que les coûts d’être femelles à la reproduction sont plus élevés que les coûts mâles. Cette contrainte agit de différentes manières en donnant naissance à des différences sexuelles secondaires entre mâles et femelles. Par exemple, les femelles du cocotier Lodoicea maldivica sont plus petites et ont un taux plus élevé de mortalité, à cause de leur production de fruits lourds qui entraîne parfois leur décapitation lors de vents violents. Les femelles du silène, Silene dioica et de la mercuriale, Mercurialis perennis apparaissent dans des sites plus fertiles, avec des sols plus riches et/ou une meilleure exposition lumineuse que les mâles, peut-être parce qu’elles ont une survie plus faible dans les sites moins favorables.

1. Les adaptations de la dissémination

A. Les unités de dissémination ou diaspores

A.1 La notion de diaspore

La graine (ou spore) ou même l’embryon ou la plantule qui en est issue peuvent constituer l’élément de dissémination. Très souvent cependant, ce sont des ensembles complexes comprenant des organes ou même une grande partie de la plante-mère qui assurent la dissémination. C’est à ces ensembles, simples ou complexes, qui forment les unités de dissémination que l’on réserve le terme de diaspore.

Suivant Sernader, on devrait distinguer six types d’unités de dissémination :

  1. La diaspore ne comporte que l’embryon ou la plantule qui en dérive. Comme chez les palétuviers, Rhizophora sp. À ce type, se rattachent les cas de viviparie se manifestant par l’apparition de bulbilles (les ails, Allium sp.) ou de plantules sur la marge des feuilles (Bryophyllum sp.) et de frondes (fougère Athyrium sp.), ou dans l’inflorescence (pâturin, Poa alpina).
  2. La diaspore est constituée par une graine isolée (les akènes du sarrasin, Fagopyrum esculentum).
  3. La diaspore est constituée par un fruit entier, comme chez les chênes, Quercus sp., ou par une partie ou un groupe de fruits.
  4. La diaspore est formée par le ou les fruit(s) entouré(s) par des enveloppes florales plus ou moins modifiées ou par des bractées (comme la fraise).
  5. La diaspore comprend l’inflorescence complète ou fragmentée.
  6. La diaspore est formée par la plante-mère toute entière ou, au moins, par la plus grande partie de son appareil aérien y compris les fruits et l’infrutescence (comme le « bird cage » californien).

Il est difficile de faire rentrer tous les cas observés dans ce classement : certains présentent plusieurs types de diaspores soit que l’espèce est hétérocarpe, soit que, dans le temps, un type de diaspore prenne le relais d’un autre : fruits et, ensuite, graines ; infrutescences et, ensuite, fruits ;… comme la Fabacée « sea bean » des îles.

Ces exemples de polydiasporie sont interprétés dans le sens d’une plus grande efficacité de la dissémination.

A.2 Principes de la classification des dispores

Les diaspores pourraient être classées sur la base de critères purement morphologiques de manière à dégager la nature homologique des dispositifs réalisés par chaque unité de dissémination. Du point de vue éthologique, une classification strictement structurale ne présente cependant qu’un faible intérêt.
Les véritables classements écologiques utilisent comme critères de premier ordre soit l’agent ou le facteur du milieu paraissant le plus efficace pour réaliser la dissémination, soit le dispositif morpho-physiologique le plus efficace quelle que soit sa signification morphologique. Le premier système possède une base mésologique et c’est l’observation sur le terrain qui permet de juger de l’efficacité de tel ou de tel autre facteur comme du caractère adaptatif de chaque dispositif ; le second système est de nature plus éthologique: il fait porter l’examen sur la diaspore elle-même et en déduit l’efficacité probable de tel ou de tel facteur.

B. Les grands groupes éthologiques de diaspores

Les diaspores sont classées selon l’efficacité de leurs adaptations en vue de leur dissémination par un agent déterminé.

B.1 Les anémochores

Les diaspores disséminées par le vent possèdent, à des degrés divers, des qualités aérostatiques que l’on peut estimer soit par le critère du rapport entre poids et surface portante, soit par celui du temps de chute. Suivant les valeurs prises par ces paramètres, on classera les anémochores en « planeurs légers » ou « planeurs lourds » ; les diaspores volumineuses mais offrant à l’action du vent une large prise seront des « anémochores roulants » : elles ne sont pas transportées par voie aérienne mais, en terrain dégagé, elles peuvent être emportées sur des distances considérables. Ces différents types se rencontrent donc principalement dans des milieux « venteux » comme les milieux ouverts qu’ils soient des prairies, pelouses, steppes..

  1. Les planeurs légers : ce groupe d’anémochores comporte :
    • des espèces à diaspores ténues telles que
    • spores de Bryophytes et de Ptéridophytes,
    • graines d’Orchidées (poids moyen de la graine d’Eulophia : 0,00273 mg),
    • des espèces à diaspores de faible densité en raison de la présence de poches aérifères (orobanches, pyroles, rhododendrons, …)
    • des espèces à diaspores en aigrettes (type très répandu et présentant une grande diversité de forme et d’efficacité, comme les linaigrettes Eriophorum, les massettes Typha).                      
  2. Les planeurs lourds : ces anémochores se répartissent entre plusieurs types également :
    • diaspores à aigrettes (aigrettes moins bien conformées que celles des planeurs légers ou rapport poids/ surface portante plus élevé : pissenlits Taraxacum, centaurées Centaurea),
    • diaspores entourées d’un halo de poils (le coton Gossypium),
    • diaspores à arêtes flexueuses (caryopses de nombreuses graminées),
    • diaspores ailées (samares de l’érable, de l’orme, Alsomitra macrocarpa des forêts de Java),
    • diaspores munies de pièces florales ou de bractées accrescentes (tilleuls Tilia sp., …). Dans cette catégorie, l’efficacité croît en fonction de la hauteur du point de chute ; il s’agit dans beaucoup de cas d’une simple chute ralentie mais assurant un écart suffisant par rapport au plant-mère. De nombreux arbres présentent donc ce mode de dissémination.         
  3. Les anémochores roulants. Les diaspores sont composées ici
    • soit d’infrutescences globuleuses (panicauts Eryngium, chardons roulants, …),
    • soit de fruits volumineux et renflés, indéhiscents (gousses des baguenaudiers Colutea, …),
    • soit de l’entièreté de l’appareil végétatif aérien (‘bird cage’, Oenothera deltoides en Californie).  

 Les milieux les plus riches en ce type de diaspores sont les milieux ouverts à végétation rase: plages littorales (panicaut des dunes, …), savanes rasées par les feux de brousses, steppes (la « prairie » américaine avec ses « coureuses de steppes » telle Psoralea, …).

B.2 Les hydrochores

L’agent de dissémination, l’eau, agit comme hydrométéore par son impact ou comme transporteur (laisses de ruissellement, flottage fluviatile ou marin).

  1. Les ombrohydrochores Les diaspores classées dans cette catégorie sont disséminées par la pluie agissant à la force vive des gouttes : projections des graines hors des fruits (orpin âcre Sedum acre, populage des marais Caltha palustris, asclépiade, Asclepias). Parfois, les gouttes frappent un organe annexe, secouant le fruit et assurant sa vidange (sauge Salvia). Lors des précipitations violentes à forte intensité, le ruissellement sur terrain ouvert donne lieu à des laisses de ruissellement comprenant de nombreuses propagules.
  2. Les nautohydrochores : il s’agit ici de diaspores utilisant les voies d’eau comme transporteur. Toutes ont en commun d’une part les problèmes de flottement demandant certains dispositifs adaptatifs (lacunes aérifères, réserves huileuses assurant la flottabilité), d’autre part le problème de l’imperméabilité des enveloppes (cires, …) liée à une dormance. Ce mode de dissémination est répandu chez les hydrophytes (nénuphars, Nymphea) et chez les hélophytes (salicaire, Lythrum salicaria). L’eau de mer pose des problèmes particuliers liés à sa salinité mais constitue un agent de dispersion à longue distance grâce aux courants marins (Mucuna urens, le ‘sea bean’ des fleuves et rivages tropicaux).

B.3 Les zoochores

Les diaspores disséminées par les animaux sont nombreuses et présentent des dispositifs extrêmement variés. Suivant que le transport est actif ou passif, suivant que la diaspore est ingérée ou non, on distingue les catégories suivantes :

  1. Les épizoochores : il s’agit de diaspores transportées passivement, non recherchées par les animaux et voyageant accrochées par les dispositifs très divers :- ancrage réalisé sur la peau par des épines, par des poils accrochants, par des bractées aiguës et terminées en une pointe recourbée (bardane, Arctium lappa), par un pappus à crochets (bident, Bidens), par des glochidies (cynoglosse, Cynoglossum), par des harpons (Torilis ou la griffe du diable Harpagophytum procumbens l’ ‘ african grapple plant’ …).- accrochage par des poils glanduleux.- fixation assurée par la boue adhérant aux pattes des oiseaux migrateurs et transportant les diaspores des pélophytes à longue distance.
  2. Les endozoochores : les diaspores appartenant à cette catégorie sont transportées après ingestion (oiseaux, chauves-souris, …). Le passage par le tractus digestif est souvent bénéfique pour ces graines « dures ». Les fruits dispersés par les oiseaux présenteront des couleurs (rouges ou noirs) et une composition (glucides) particulières et de nombreuses co-évolutions sont ainsi observées. De même, les rhinocéros de Bornéo ont une relation privilégiée pour la dispersion et la survie de Trewia nudiflora, les éléphants permettent la dispersion et la germination des graines d’acacias. Les orang-outangs sont attirés par l’odeur des fruits de Durio zibethinus, etc.
  3. Les périzoochores : les périzoochores sont recherchées par les animaux non pour elles-mêmes mais pour certains organes annexes (réceptacles charnus, …). Les semences à éléosomes possèdent ainsi un tissu huileux appendiculaire recherché notamment par les fourmis (Astéracées, Violettes, Viola) ; lorsque ces insectes assurent ainsi la dissémination, on parle de myrmécochorie.
  4. Les dyszoochores : ces diaspores sont recherchées par les animaux pour leur alimentation. Elles sont disséminées accidentellement par les animaux qui en font provision ou qui les transportent en un lieu favorable pour les ouvrir. Durant le transport, pour une cause fortuite, la diaspore est abandonnée. Tels sont les cas des glands, des noix, des cônes de pin. L’agouti permet ainsi la dissémination de Bertholletia excelsa le « brazil nut tree ». Le casse-noix, Nucifraga cryocatactes joue le même rôle pour le pin arrole, Pinus cembro.

B.4 Les autochores

La dissémination d’une diaspore par le plant-mère lui-même relève de l’autochorie. Il s’agit d’une dispersion à faible distance.
On distingue :

  1. Les projecteurs mécaniques par déhiscence ou contraction brusque de certains organes (ouverture brusque avec torsion des valves des gousses de Légumineuses, éclatement des capsules d’Euphorbiacées, séparation des akènes des Géraniacées dont le bec se tord brusquement en spirale, …). L’efficacité de cette dissémination se mesure à la distance franchie (jusque 15 m).
  2. Les projecteurs physiologiques travaillent par différence de turgescence entre divers tissus vivants : pression exercée par la columelle en croissance à l’intérieur de la capsule d’Oxalis, déclenchement d’organes élastiques chez les « impatientes » Impatiens, explosion des concombres Ecballium elaterium, etc.
  3. Les géocarpes qui amènent leurs fruits dans le substrat par allongement du pédicelle durant la maturation sont également des autochores (la ruine de Rome, Linaria cymbalaria).

B.5 Les barochores

Il s’agit de diaspores répondant à la seule pesanteur ! On considère comme barochores les espèces dont la vitesse de chute est supérieure à 2,5 m/ sec.

La vraie barochorie s’accompagne de dispositifs chargés d’assurer l’efficacité de la dispersion et l’adéquation entre ce mode de dissémination et le milieu concerné. Le cas classique est celui d’arbres typiques des mangroves, les palétuviers (Rhizophora sp.) dont la graine est vivipare.

C. Le spectre de dissémination 

Pour une biocénose donnée, on peut calculer la fréquence relative, brute ou pondérée, des divers types de diaspores. C’est à cette expression que l’on réserve l’appellation de « spectre de dissémination« .

La pondération peut être effectuée par rapport à l’abondance de l’espèce dans la communauté mais aussi en affectant, éventuellement, les espèces à plusieurs catégories selon que celles-ci possèdent un ou divers modes de dissémination. Cette « polychorie » est fréquente : cas d’espèces essentiellement anémochores mais pouvant être accessoirement zoochores ; cas d’espèces ombrohydrochores au départ mais utilisant ensuite le mode nautohydrochore, tel le populage des marais, Caltha palustris.

2. Allocation : Taille et nombre de graines

Le principe d’allocation voudrait que la plante rassemble son effort reproductif dans quelques grosses graines ou de nombreuses petites graines. Ce compromis produit une répartition suivant la taille des propagules (‘size-number trade-off’). Les ressources disponibles pour une plante dépendent de sa masse, de son âge et des conditions environnementales. Une plante réagira-t-elle en produisant des graines en quantité constante mais de taille variable ou l’inverse ?

Certains modèles prévoient un optimum de la taille des graines à l’intérieur d’une population particulière et que la taille est conservée plutôt que le nombre de graines, lorsque les ressources sont rares. Les graines plus petites que l’optimum seront non viables ou de moins bonne viabilité et les graines trop grosses gaspilleraient les ressources, qui seraient utilisées à meilleur escient en fournissant un plus grand nombre de graines. L’avantage individuel de l’embryon d’une graine doit être de devenir le plus grand possible mais la mère contrôle le flux de ressources vers ses graines, donc les coûts du parent doivent placer une limite supérieure de la taille des graines.

Une très grande variation de la taille des graines existe entre espèces, depuis des graines pesant 10-6 g, produites par une Orchidée, Goodyera repens, jusqu’aux graines de cocotier, Lodoicea maldivica, pesant environ 104 g (18-27 kg). Un certain nombre d’études comparant les tailles de graines ont été réalisées et suggèrent que ce caractère peut être ajusté par sélection naturelle de différentes manières, dépendant de l’histoire de vie et du biotope de l’espèce. L’appartenance à une famille végétale est le critère le plus important (30 % de la variance), puis les traits d’histoire de vie (22 %) et enfin biotope (8%). Le poids moyen des graines augmente progressivement depuis les herbacées, les espèces arbustives et les arbres (Tab. 6).

Tableau 6 : Masse des graines (en mg) en relation avec la forme de croissance et les régions

 

De même les annuelles ont des graines significativement plus petites que les pérennes. Ces annuelles ne se reproduisant qu’une seule fois dans leur vie, la sélection naturelle semble avoir favorisé le nombre de graines produites plutôt que leur taille.

Les arbres des forêts néotropicales qui peuvent se régénérer dans de petites trouées ou à l’ombre ont des graines significativement plus grandes que les arbres pionniers et ceux nécessitant de grandes trouées pour régénérer. Cette différence est probablement le résultat d’une augmentation des réserves nécessaires pour l’établissement de plantules en conditions d’ombrage, ce qui se reflète par une plus grande mortalité des graines les plus petites lors d’ombrage artificiel. Les relations entre la taille de la plante, la tolérance à l’ombrage et la taille des graines ont également été appliquées aux paléoflores. Les plantes du Crétacé présentaient des graines plus petites que les flores plus modernes du Tertiaire. Sur cette base, on peut penser que les premières Angiospermes étaient des arbustes et de petits arbres occupant des trouées dans une végétation dominée par les Gymnospermes.

Dans d’autres cas, telle que la flore de Californie, la taille des graines est plutôt corrélée à la résistance à la sécheresse plutôt que l’ombrage : les plus grosses graines seraient capables de produire des plantules à système racinaire plus étendu et obtenant plus rapidement et plus efficacement l’eau nécessaire.

Chapitre 4 : Les graines dans le sol

Après leur dissémination, les diaspores peuvent ne pas germer tout de suite, mais être stockées dans le sol.

Les populations de graines dans le sol sont souvent appelées « banques de graines » mais ce terme donne une impression erronée de sécurité (bien que !!). En fait, les graines subissent des pertes par des prédateurs, des pathogènes ou par germination. Il s’agit plutôt d’un « pool » au sens de « cagnotte » ou « groupement » de graines. Par définition, la banque de graines (ou de diaspores) dans le sol désigne la réserve de graines (ou de diaspores) viables et non germées.

A part les espèces apomictiques, les graines sont toujours des produits issus d’événements sexuels. Contrairement aux plantes à la surface du sol, chaque individu de la population de graines présente un génotype particulier. Au-dessus de la surface, un génotype unique peut couvrir avec le temps d’importantes surfaces mais sous le sol, la densité en génotypes augmente avec le temps puisque les graines s’accumulent et peuvent atteindre des densités de dizaines de milliers par mètre carré.

1. Types, nombres et distribution 

A. Types de banques de graines

Classiquement, quatre types de banques de graines séparent les banques transitoires (pour lesquelles la germination prend place avant la dissémination suivante) et les banques persistantes. Les banques transitoires sont ensuite subdivisées entre celles à graines présentes uniquement durant l’été (Type I) et celles à graines présentes durant l’hiver (Type II). Les banques persistantes sont divisées entre celles dont la majorité des graines germent dans la saison et une faible partie persiste dans le sol (Type III) ou l’inverse (Type IV).

Cependant, peu d’études présentent ce degré de précision et la plupart des auteurs s’accordent pour uniquement décrire trois types (Baskin & Baskin 2001):

  • transitoire (< 1 an dans le sol),
  • persistant à court terme (> 1 an mais < 5 ans) et
  • persistant à long terme (> 5 ans) ;
    ce dernier type étant le seul qui permette la reconstitution d’une végétation détruite par exemple.

 

B. Nombres de graines dans les sols

Malgré les périls souterrains encourus, la plupart des sols sont remplis de graines, quel que soit le type de végétation. Le nombre de graines présentes dans le sol est déterminé par les entrées par pluie de graines et les sorties par prédation, maladie ou germination. Par exemple, la renoncule, Ranunculus repens perd, en moins de 6 mois, la moitié de son stock de graines du fait des rongeurs.

Tous les milieux depuis l’Arctique jusqu’aux Tropiques, depuis les biotopes perturbés jusqu’aux très stables, comprennent une banque de graines …. Cependant, les densités en graines varient de 0-9 graines par m2 dans les forêts subarctiques jusqu’à 2000 à 2500 graines par m2 dans les prairies anglaises, avec une majorité d’espèces présentant une densité entre 1 et 1000 graines par m2. Ces densités semblent diminuer lorsque la latitude, l’altitude ou l’avancement dans la succession augmentent. Ainsi, les communautés arctiques, boréales, subalpines ou les forêts de conifères ou de feuillus décidus présentent des densités largement inférieures à celles des prairies ou des cultures tempérées. Les densités en graines sont les plus importantes dans les biotopes fréquemment perturbés tels que les cultures, et les moindres dans les forêts primaires. Dans tous les milieux, les espèces les plus représentées dans le sol sont souvent celles qui présentent les durées de vie les plus courtes dans la végétation car il s’agit d’espèces produisant de grandes quantités de petites graines, fréquemment capables de dormance. Les graines les plus persistantes seront majoritairement petites, compactes (souvent < 3mg) et à spermoderme lisse. Ainsi, les graines dans le sol sous une végétation pérenne telle qu’une forêt ne sont pas représentatives de la flore à la surface du sol mais au contraire consistent en herbacées, arbres pionniers et buissons. Par contre, les graines sous cultures sont majoritairement des adventices annuelles ou rudérales bien représentatives.

Les espèces les plus longévives à l’état adulte présentent donc souvent des graines à faible survie. Les graines des arbres des forêts primaires perdent leur viabilité très rapidement. Par exemple, 80 % des espèces germent dès la saison des pluies suivante dans les forêts équatoriales d’Amérique centrale.

C. Distribution des graines 

La distribution spatiale des graines est agrégée car la plupart tombent à proximité de leur parent. Cette distribution indique donc que de nombreux petits échantillons seront à préférer à quelques importants prélèvements lors de l’étude de cette banque de graines.

Les agents de dispersion emmènent les graines loin de la plante mère mais maintiennent généralement la structure agrégée tant pour les oiseaux, les rongeurs, les fourmis ou les vers de terre. Toutes les déjections d’animaux entrainent l’existence de grandes densités de graines à certains endroits.

Les animaux sont importants dans l’enfouissement et la formation de banques de graines dormantes. Les vers de terre, par exemple, transportent environ 20 % du stock de graines prairiales de la surface jusqu’à une profondeur de 4 cm. Parfois, ces transporteurs conduiront les graines à des profondeurs trop importantes, en ne leur laissant guère de chance d’émergence.

2. Dormances

A. Types de dormance

Certains aiment relever le fait que des graines conservées dans des conditions inhabituelles peuvent rester viables durant des centaines, voire de milliers d’années (mises en germination de graines du Néolithique comme le cas du Magnolia japonais, observations après disparition d’un milieu…) mais ces records sont de peu d’intérêt dans l’écologie normale des graines du sol. La dormance des graines est de valeur sélective pour les plantes car elle leur permet de faire coïncider le moment de la germination avec des conditions favorables à la survie des plantules et non une survie occasionnelle de plusieurs siècles. La dormance montre un impact important sur la longévité des graines dans le sol mais les taux de déclin sont généralement exponentiels et les populations même d’espèces à longue durée de vie s’épuisent en quelques décennies.

Chez les graines ayant une capacité de dormance prolongée, l’état de dormance est souvent changeant. Les graines de différentes parties de la même plante, ou matures à différentes périodes peuvent présenter des comportements de germination différents. Ce comportement peut également changer avec le temps, suivant les conditions de conservation, ou entre différentes populations. Ainsi, les graines de nombreuses espèces des zones tempérées froides sont dormantes et ne germent pas avant l’hiver mais leur dormance est levée par un passage au froid (« chilling ») à un stade imbibé d’eau : cette stratification autorise la germination dans des sols réchauffés au printemps. Les graines stratifiées dans le sol qui n’ont pas germé en mai rentrent à nouveau en dormance et requièrent une nouvelle période froide pour germer la saison suivante. La dormance de graines fraîches empêche la germination trop précoce lorsque les plantules seraient exposées au gel et la ré-acquisition de dormance en mai empêche la germination trop tardive lorsque les plantules seraient désavantagées par des cohortes plus précoces.

La dormance est donc un caractère propre à la graine, empêchant sa germination. Deux types généraux sont décrits : les dormances endogènes et les dormances exogènes. Les dormances endogènes proviennent uniquement de l’embryon alors que les dormances exogènes sont induites par les structures entourant cet embryon que ce soient l’endosperme, le périsperme, le spermoderme ou l’enveloppe des fruits (par ex, si celle-ci est imperméable à l’eau).

On distingue plusieurs types de dormance : les trois premiers étant endogènes, les suivants exogènes (Tab. 7).

Tableau 7 : Classification simplifiée des types de dormance des graines (d’après Baskin & Baskin 2001).

 

  1. Physiologique
    Des mécanismes physiologiques inhibent l’émergence de la radicule. Les graines restent perméables à l’eau mais trois groupes de dormances sont détectés suivant la longueur des traitements nécessaires pour les lever :
    • superficielle et nécessitant quelques jours de froid chez de nombreuses graminées comme Triticum,
    • intermédiaire comme chez le hêtre, Fagus sylvatica
    • longue comme les graines de sorbier des oiseleurs, Sorbus aucuparia.Quelques semaines à plusieurs mois d’exposition à des températures élevées (~30°C) ou, au contraire, basses (1 à 5 °C), lèvent ces dormances. Si la dormance n’est pas trop profonde, l’acide gibbérellique est également efficace. Les structures couvrantes de l’embryon empêchent vraisemblablement un accès à l’oxygène ou contiennent des inhibiteurs.
  2. Morphologique Les embryons ne sont pas suffisamment développés (ex : embryons des Orchidées). Il faut donc respecter un temps de « latence » permettant le développement de l’embryon.
  3. Morpho-physiologique Des mécanismes physiologiques s’ajoutent à une immaturité des embryons (chez les Apiacées ou les Liliacées par ex).Dormances exogènes
  4. Physique (dormance exogène). Cette dormance concerne l’imperméabilité à l’eau et se rencontre chez plus de 15 familles d’Angiospermes (Cistacées, Convolvulacées, Malvacées et surtout de très nombreuses Fabacées). Les tissus palissadiques du spermoderme sont souvent lignifiés ou imprégnés de substances imperméables à l’eau (cutine, quinone, callose, subérine, cire, …). Des structures particulières permettent le passage de l’eau à certains endroits lorsque la dormance est levée physiquement (strophiole, chalaze, opercule) Une scarification par exemple au papier de verre peut permettre de lever ce type de dormance en laboratoire.
  5. Chimique (dormance exogène). Des substances réparties dans plusieurs structures du fruit inhibent la germination (laitue, frêne, poirier,…). Cette dormance est difficilement distinguée de la dormance physiologique. Souvent, l’acide abscissique est mis en cause (comme chez le pommier). Des rinçages à l’eau permettent de lever cette dormance.
  6. Mécanique (dormance exogène). Lorsque la paroi du fruit (endocarpe et parfois le mésocarpe) est épaisse, phénomène qui se rencontre dans de nombreuses familles (Juglandacées, Oléacées, Rosacées, …). A nouveau, des stratifications chaudes ou froides pourront lever cette dormance.

Pour les familles d’Angiospermes dont les banques de graines ont été étudiées, il s’avère que 29 familles (sur 155) présentent des embryons immatures et donc des dormances morphologiques ou morpho-physiologiques, 10 familles regroupent des espèces à dormances physiques et les 116 familles restantes présentent des dormances physiologiques ou chimiques (Thompson et al 1997 ; Baskin & Baskin 2001).

B. Cycles annuels

Les graines de plusieurs espèces possédant des populations à longue durée de vie dans le sol présentent des cycles annuels de dormance induits par des changements saisonniers de température, qui autorisent la germination à certains moments de l’année et non à d’autres. Les annuelles hivernales présenteront simplement des cycles inversés par rapport aux annuelles estivales. Environ la moitié des espèces herbacées européennes présentent de tels cycles de dormance.

Dans ces cas, les types de dormance peuvent être classés également en dormances primaire et secondaire.

Les graines à dormance primaire sont incapables de germer lors de leur dissémination et les graines à dormance secondaire acquièrent leur dormance après leur dissémination. Les graines à dormance primaire peuvent devenir non-dormantes puis acquérir une dormance secondaire ensuite. Ces deux types de dormance peuvent être divisés en deux sous-catégories : la dormance innée et la dormance conditionnelle. Les graines dormantes de façon innée ne germeront pas quelles que soient les conditions environnementales rencontrées. Les graines à dormance conditionnelle germeront dans un ensemble restreint de conditions du milieu. Lorsque des graines à dormance innée altèrent leur état de dormance elles passent graduellement par des phases… de dormance conditionnelle. La transition d’un état de non dormance à une dormance secondaire passe également par une phase transitoire.

Un type important de dormance innée primaire causée par un spermoderme rigide se rencontre chez de nombreuses Fabacées. Ce type de dormance est levé par la décomposition du testa au cours des années passées sous terre. L’incendie (comme pour le genêt à balais, Cytisus scoparius) ou le passage à travers un tube digestif d’un agent disséminateur vertébré rompt également régulièrement ce type de dormance. Une dormance secondaire conditionnelle est induite chez des espèces d’arbres qui germent normalement à l’obscurité mais requièrent de la lumière lorsqu’elles ont été exposées à une lumière filtrée par le feuillage des arbres.

La valeur adaptative du degré ou du type particulier de dormance peut être estimé par la survie et la fécondité des plantules qui en résultent. De nombreuses espèces annuelles montrent que les plantules issues de graines non dormantes ont une survie inférieure durant l’hiver mais les survivantes présentent une fécondité nettement supérieure (10 fois plus de graines chez le coquelicot, Papaver dubium) que celles des cohortes provenant de graines dormantes. Dans tous les cas, les variations climatiques (précipitations, sécheresses ou gelées) peuvent favoriser la dormance certaines années et la non dormance d’autres fois, entrainant ainsi une sélection en faveur d’une variation phénotypique. Cette variation peut être obtenue grâce à la plasticité phénotypique ou la variation génétique de la population. Chez Papaver dubium, la dormance des graines présente une héritabilité très faible et la variation reflète donc plutôt une plasticité phénotypique.

3. Conséquences des banques de graines 

A. Diminution des taux d’extinction

Des annuelles peuvent se maintenir dans certains environnements variables et perturbés ne leur permettant pas une production annuelle de graines si

  • elles produisent de nombreuses graines lors des années favorables,
  • si de nombreuses graines rentrent dans la banque du sol et
  • si une faible proportion de ces graines germe chaque saison.

De même, la banque de graines permet de réguler la dynamique et la démographie de nombreuses populations. L’existence de la banque de graines augmente la taille effective de la population (nombre de génotypes distincts) car la durée de génération est augmentée par la durée de survie des plantes dans le sol et parce que les membres reproducteurs de la population peuvent provenir de plusieurs cohortes de graines. L’importance de cette banque de graines dans l’augmentation de la taille de la population dépend bien entendu de la nature des graines qui germent et non uniquement de l’existence d’un lot dormant. Si la majorité des graines sont enfoncées trop profondément pour germer et le recrutement n’intéresse que les graines les plus récentes car les plus proches de la surface, la plus grande partie de la banque de graines n’est pas efficace aux points de vue génétique ou démographique.

La persistance de communautés ou leur restauration ne sera possible que par l’existence de banques de graines persistantes : ce qui dépendra donc des espèces et des biotopes.

B. Variabilité de la population et sélection de caractères

La banque de graines peut servir comme réservoir important de variation génétique, en tamponnant les effets de disparitions locales de génotypes dans la population adulte par sélection ou dérive génétique. Cette banque peut réduire la diminution de la variabilité génétique et retarder la différenciation locale des populations (en cas de fragmentation des milieux par exemple). En un certain sens la banque de graines peut fournir à la population une certaine « inertie génétique » ou une « migration génétique temporelle » (ce qui fait craindre des effets à long terme de propagation d’organismes génétiquement modifiés par ex).

Une certaine sélection peut aussi être possible. La dormance des graines et les adaptations post-germination évoluent souvent parallèlement. Dans un milieu aride, si le caractère de posséder des graines persistantes est favorisé, les espèces présentant une telle évolution montreront des individus adultes résistant moins bien à la sécheresse que des espèces ne constituant pas de banque de graines.

C. Coexistence d’espèces

Dans un environnement variable, la multiplicité des niches permet très souvent la co-existence d’un grand nombre d’espèces. Des conditions variables permettent d’entretenir ces assemblages d’espèces différentes : en cas de compétition intense, peu de graines sont formées et le maintien de l’espèce se réalise à partir de sa banque de graines qui se reconstituera lorsque des conditions environnementales différentes permettront une compétition moindre et donc une meilleure reproduction et un plus grand taux de formation de graines.

4. Recrutement et « site sûr »

Le concept de « site sûr » est similaire à l’idée de niche et partage avec cette dernière la difficulté de ne pouvoir être clairement identifié avant d’être réellement occupé. Les sites ne sont pas uniformément « sûrs » pour la germination des graines mais quels paramètres autres que la chance pourraient intervenir pour l’apparition de plantules à certains endroits et non à d’autres ? Par exemple, les graines présentant un éléosome sont favorisées par les fourmis. Celles-ci prélèvent l’éléosome pour s’en nourrir et déposent la graine dans un site où les conditions de germination sont idéales au niveau richesse du sol, profondeur, température et humidité. En théorie, des sites sûrs de germination pourraient expliquer la distribution des espèces à des échelles spatiales larges ou, au contraire, très faibles.

Chapitre 5 : La croissance clonale

De par leur construction modulaire, il est évident que la croissance clonale semble naturelle chez les végétaux. Un arbre ajoute des modules à ses branches et s’étend verticalement, une herbacée clonale ajoute des modules à sa base et s’étend horizontalement. Quelques espèces d’arbustes et d’arbres s’étendent dans les deux directions. La seule différence entre plantes herbacées clonales et arbres tient dans le fait que les modules d’une herbacée sont des « ramets » capables d’une existence indépendante contrairement aux branches d’arbres. La croissance clonale est fort ancienne et se retrouve dans de nombreux taxons végétaux. Une proportion encore plus importante de plantes herbacées forestières ou aquatiques présente la même caractéristique (>2/3 des espèces pérennes au niveau européen).
Les types d’organes de multiplication végétative sont nombreux et diversifiés :

  • racines (trèfle Trifolium pratense ou oseille Rumex acetosella)
  • tubercules (ficaire Ranunculus ficaria, corydale Corydalis solida, oca Oxalis tuberosa ou la pomme de terre Solanum tuberosum)
  • tiges souterraines ou rhizomes à longue durée de vie (dactyle Dactylis glomerata ou herbe aux goutteux Aegopodium podagraria)
  • stolons (fraisier Fragaria vesca)
  • rhizomes à courte durée de vie (aspérule Gallium odoratum)
  • bulbes (oignons Allium cepa, perce-neige Galanthus nivalis, tulipe Tulipa sylvestris)
  • bulbilles (dentaire à bulbilles Cardamine bulbifera

1. Coûts et bénéfices de la croissance clonale

Les avantages pour l’individu sont évidents :

  • Augmentation rapide en taille entraînant un potentiel reproductif et une survie plus grands.
  • Déplacements possibles, ce qui signifie que des sites défavorables peuvent être laissés au profit de lieux plus propices.
  • Occupation maximale de l’espace et prise de ressources améliorée.
  • Jeunes rameaux rencontrant une mortalité moindre que de jeunes plantules, puisque connectés au plant parental et/ou de plus grande taille.
  • Pas de coût sexuel.

Au vu de ces nombreux avantages, pourquoi un nombre important de plantes, incluant en priorité des arbres, ne sont-elles pas clonales ?

Tout comme d’autres caractéristiques ou traits d’histoire de vie, la clonalité présente certains désavantages et des coûts.

Bien que la multiplication végétative augmente les possibilités reproductrices à long terme, les deux modes sont liés à court terme. Par exemple, la jacinthe d’eau, Eichhornia crassipes, présente une augmentation rapide de ses populations par croissance clonale mais celle-ci est freinée dès que les premières fleurs apparaissent. Il s’agit encore d’un compromis et donc la proportion de la reproduction sexuée et la proportion de la croissance clonale sont corrélées négativement.

Puisque les coûts de la croissance clonale augmentent le laps de temps avant la première floraison, des biotopes à haute fréquence de perturbations, favorisant une reproduction rapide (puisque la mortalité adulte est importante) comptent moins d’espèces clonales que des biotopes plus stables.

Au niveau génétique, la croissance clonale procure un mode de multiplication qui élimine la sexualité bien que nous ayons vu que le sexe est rarement totalement perdu. Puisque la croissance clonale est un mode de multiplication végétative, ses avantages et désavantages sont inverses à ceux présentés pour la reproduction sexuée (chapitre 2). Ainsi, par exemple, on peut s’attendre à ce que l’uniformité génétique de populations clonales les rende plus sensibles aux maladies. Lorsque la maladie de l’orme est apparue, 95 % des ormes européens plantés en villes appartenaient à un même génotype et certaines villes ont perdu 70 % d’entre eux.

2. Modes de croissance clonale

Suivant la longueur des connections et la fréquence des ramifications, la croissance clonale peut produire des formes linéaires ou des distributions en réseau ou en cercles. Il existe un continuum de formes de croissance entre des rameaux avançant en « front », appelé phalange, jusqu’à la production de rameaux largement espacés qui s’infiltrent dans la végétation avoisinante suivant un mode de guérilla. Par exemple, la myrtille Vaccinium myrtillus présente un mode plutôt en guérilla alors que sa congénère la myrtille aux loups, V. uliginosum présente un type en phalange. Il est intriguant de constater que la première souffre d’une importante dépression de consanguinité alors que la seconde est parfaitement auto-fertile. Le lien entre structure clonale et mode de reproduction est établi.

D’autre part, les rameaux (ramets) peuvent rester connectés plus ou moins longtemps. Par exemple, parmi les herbacées forestières, le concombre indien, Medeola virginiana produit des rameaux qui se détachent rapidement et régulièrement alors que la salsepareille Aralia nudicaulis maintient des connections entre ses rameaux durant plusieurs années. Il est vraisemblable que l’équilibre entre les bénéfices et les coûts des deux aspects fonctionnels de la croissance explique cette variation: la dépendance physiologique des rameaux et l’avantage de la croissance clonale dans la recherche et l’acquisition des ressources.

A. Intégration physiologique 

Chez la plupart des espèces clonales pour lesquelles le rhizome, le stolon ou les autres connections restent intacts, l’individu (genet) réagit en tant qu’unité physiologique intégrée. Des expériences utilisant le CO2 marqué (14C) montrent que les jeunes rameaux (« ramets ») sont alimentés par un flux de glucides en provenance des rameaux anciens. Suivant les espèces, ces flux cessent lorsque les jeunes rameaux sont matures, mais ils peuvent être ré-établis si le rameau est ombragé ou défolié. Chez des herbacées arctiques qui possèdent une structure de type guérilla, telles que le carex Carex bigelowii ou le lycopode Lycopodium antoninum, les clones restent intégrés au niveau physiologique toute leur vie. Seules les nouvelles pousses sont physiologiquement actives et elles exportent le carbone qui est redistribué grâce à un système étendu de rhizomes. De tels transports de minéraux ou d’eau entre des rameaux matures semblent très courants chez de nombreuses espèces clonales (ex. : la canneberge, Vaccinium oxycoccos).

Plusieurs expériences ont montré que cette capacité à réallouer les glucides, l’eau et les nutriments d’un rameau à l’autre permet à un clone de ne pas souffrir d’une certaine hétérogénéité spatiale et profite à l’individu dans son ensemble. Des rameaux disjoints de trois espèces de Solidago et d’Aster souffrent plus sévèrement de défoliations expérimentales que des rameaux connectés. Lorsque des rameaux interconnectés rencontrent des voisins différents, ces rameaux ne montrent pas une réaction spécifique à chacun de leur voisin mais une réaction moyenne commune à l’ensemble. Ainsi une expérience avec Ambrosia psilostachya, une espèce pérenne rhizomateuse des biotopes salins et non salins des grandes plaines des USA, a montré que la performance combinée des rameaux connectés croissant dans différents environnements (cultures avec terreau salé ou non) était meilleure que la performance moyenne de plantes croissant dans les deux types d’environnement. Ce résultat surprenant suggère que l’intégration physiologique permet à des plantes clonales d’être plus performantes dans des environnements hétérogènes que dans des milieux uniformes !

Des rameaux connectés du lierre terrestre Glechoma hederacea, ont été placés dans des pots individuels différant par leur apport nutritif et leur environnement lumineux. Les rameaux les plus vieux placés dans de bonnes conditions supportent la croissance des plus jeunes placés dans des environnements pauvres sans apparemment souffrir vis à vis des témoins, mais la relation n’est pas réversible en plaçant les jeunes rameaux dans des environnements riches et les anciens dans des environnements pauvres. L’intégration physiologique chez cette espèce dépend de la direction préférentielle des assimilats. Chez d’autres espèces, telle que le fraisier Fragaria chiloensis, des transferts bi-directionnels d’eau, d’azote et de glucides sont possibles. Des transferts d’azote sont particulièrement adaptés à la survie du clone. L’azote qu’un rameau prélève par ses racines peut promouvoir sa propre croissance et la production de nouveaux stolons alors que l’azote acquis par un autre rameau intervient uniquement dans la production de stolons et non dans la croissance… ce qui semble être une stratégie d’exploration idéale.

B. Exploration

L’exploration est un comportement augmentant la prise de ressources dans un environnement hétérogène. Les stolons de la violette Viola blanda peuvent répondre à des réserves de nutriments localisés en initiant de nouveaux rameaux. Chez Aralia nudicaulis et d’autres espèces forestières du sous-bois, la croissance clonale peut permettre aux plantes de trouver les trouées de lumière. Le comportement du fraisier Fragaria chiloensis en est un autre exemple, car les rameaux croissant dans un environnement pauvre en nutriments n’investissent pas sur place mais allouent les ressources à des stolons qui pourront donc éventuellement trouver un site plus intéressant.

En général, des plantes croissant dans des microsites riches en ressources peuvent consolider leur emprise dans ces endroits, alors que celles d’endroits pauvres peuvent placer leurs rameaux ailleurs.