Biologie végétale

Écologie végétale

Les stades terminaux

1. Climax forestiers et non forestiers

Lorsque le climat et le sol le permettent, le stade terminal de l’évolution est une forêt et lorsque les conditions homogènes règnent sur de vastes étendues, il en résulte des territoires boisés également homogènes. La constitution d’un climax forestier est cependant impossible sous climat froid (région arctique, haute altitude) ou sec (semi-désert), ou encore lorsque la nature du sol est défavorable (pauvre, salé…). Le climax est alors simplement une formation arbustive ou herbacée, parfois à faible densité de végétation comme les semi-déserts.

Les climax forestiers jouent un rôle important en biogéographie : ils sont les moins modifiés par l’homme, les plus stables, les plus mûrs et les plus faciles à reconnaître lorsqu’on aborde l’étude d’une région. Ce sont eux qui reflètent le mieux les conditions de milieu.

À chaque climat correspond un climax déterminé : la forêt feuillue décidue correspond aux climats tempérés froids, la forêt sclérophylle sempervirente est le climax des climats méditerranéens, au climat boréal correspond la taïga ou forêt sempervirente boréale… Chacune des grandes formations végétales ou des biomes qui se relaient de l’équateur aux pôles constitue le climax de chacune de ces latitudes auxquelles correspond un climat précis.

2. Monoclimax et essaim climatique

Dans une même région climatique, les diverses séries qui se développent dans des milieux écologiques différents, et qui portent notamment dans leurs premiers stades la trace de la nature du substrat, peuvent, au fur et à mesure qu’elles mûrissent, donner des groupements arbustifs de plus en plus voisins entre eux et converger progressivement vers un type unique de végétation représentant le climax régional. C’est ainsi que se constituent les grandes zones de végétation que l’on peut distinguer du nord au sud, ou les étages de végétation bien visibles en montagne; chaque zone climatique ou chaque étage correspond à un climax unique (la toundra dans la zone arctique et dans l’étage alpin), ou à un groupe de climax étroitement apparentés entre eux, couvrant tout le terrain, les parties planes comme les vallons, les anciennes rocailles comme les anciens marais… par suite d’une uniformisation, elle-même déterminée par l’uniformité des conditions de climat pour la zone ou l’étage considéré.

D’une manière générale, à mesure que progresse la série, les caractères édaphiques tendent à s’effacer devant les caractères climatiques. On a donné le nom de complexe de climax à l’ensemble des séries qui convergent ainsi vers un climax unique, le monoclimax.

Le climax d’une zone climatique est cependant rarement unique. La plupart des biogéographes et des écologues se rallient plutôt à la thèse du polyclimax, désignant comme climax toutes les communautés végétales apparemment non susceptibles d’évolution ultérieure (du moins à l’échelle humaine), et qui demeurent distinctes à l’intérieur d’un territoire climatique cependant uniforme, pour des raisons édaphiques, topographiques ou anthropiques. Leur ensemble constitue un essaim climacique.

3. Vitesse d’apparition du climax 

La succession des communautés pionnières est, en général, assez rapide, de l’ordre de quelques dizaines d’années en moyenne; celle des stades arbustifs et arborescents, et surtout la maturation de la forêt finale est, normalement, beaucoup plus longue et peut demander un à plusieurs siècles. Au total, du sol nu au climax, la durée est fort variable d’un cas à l’autre.
Dans tous les cas étudiés, les résultats sont fort semblables quant à l’allure de la courbe de vitesse que l’on peut tracer : très redressée au départ, elle tend à s’aplatir progressivement pour atteindre un « palier ».

Dans la pratique (forestière…), il y a évidemment intérêt à prévoir et à attendre non pas le climax, mais le groupement qui correspond au début du « palier » de la courbe, c’est-à-dire le moment où le groupement climacique est déjà reconnaissable sans avoir atteint sa maturité. Ce stade, appelé parfois plésioclimax (ou proclimax), correspond, dans la pratique forestière, à la durée d’une révolution (60 à 100 ans) ou, en économie, à la durée d’un investissement foncier. En effet, la maturation du climax n’aboutit pas nécessairement à un stade mieux développé où la biomasse est plus importante qu’au stade de plésioclimax; ce sont, au contraire, les stades jeunes de la forêt climacique qui représentent l’état optimal précédant le ralentissement de croissance caractéristique des stades de maturité.

 4. Successions cycliques, séries non réversibles et groupements permanents

Des spores et des grains de pollen subsistent durant des millénaires, sans que leurs formes soient altérées, dans les dépôts organiques ou minéraux qui se forment à la surface de la terre : tourbes et horizons d’humus édifiés par la végétation, sédiments qui s’accumulent au fond des pièces d’eau, couvertures de limon loessique ou de sable fin apportés par le vent… Les spores et les grains de pollen enrobés dans ces matériaux proviennent non seulement des plantes croissant sur place mais aussi de la végétation des environs ; la pollinisation, chez de nombreuses espèces, s’effectuant avec l’aide du vent. Dans ces conditions, il est intéressant de prélever des échantillons de tourbe ou de sédiments, d’extraire ces grains de pollen et ces spores par des méthodes appropriées (acétolyse) et de déterminer les espèces végétales qui les ont formés. En comptant, pour un échantillon déterminé, le nombre de grains de pollen de chaque espèce, en pondérant par la quantité de pollen fournie par l’espèce et son taux de dispersion, et en calculant ensuite le pourcentage qui revient à chacune de celles-ci, on obtient ce qu’on appelle le spectre palynologique de l’échantillon en question (« palyno » = je disperse). Un pareil spectre donne une image du paysage botanique des environs de la localité où l’échantillon a été prélevé, à l’époque de sa formation. Ainsi, par exemple, un spectre qui indique 70 % de grains de pollen de Fagus sylvatica, 18 % de pollen d’ Alnus, 5 % de pollen de Betula et 7 % de grains de pollen divers, suggère l’existence d’un pays très boisé, avec des hêtraies sur les sols secs et des aulnaies dans les fonds humides. La reconstitution se réalise donc à l’échelle du paysage.

Si nous comparons entre eux les spectres d’échantillons prélevés à différents niveaux, le long d’une ligne verticale, il nous sera possible de retracer l’histoire de la végétation des environs du site depuis l’époque de la formation de l’échantillon le plus profond. Les résultats de pareilles études sont actuellement d’une grande précision et sont régulièrement appuyés par des datations au C14.

La synchronologie est la science dont l’objet est l’étude de la succession des groupements végétaux dans le temps, à l’échelle des périodes géologiques

5. Successions de climax

Si les conditions de milieu demeurent stables dans le temps, les règles énoncées ci-dessus suffisent à expliquer la dynamique de la végétation. Mais si le milieu, -et notamment le climat-, s’altère lentement en relation avec l’évolution géologique de la biosphère, la nature du climax pourra évoluer parallèlement. Les périodes glaciaires et les interglaciaires, les périodes humides ou désertiques entraînent nécessairement des modifications du tapis végétal. Les études palynologiques montrent, en un même lieu, une succession de climax dont les traces sont superposées dans les assises géologiques ou dans les niveaux palynologiques.

6. Classement dynamique des végétations

L’unité supérieure du classement dynamique est la série. Ce principe de classement introduit une dimension supplémentaire qui n’apparaissait pas dans la hiérarchie phytosociologique, même si la phytosociologie reconnaît et analyse les phénomènes de succession.

Les unités subordonnées sont la sous-série et le faciès.

Le classement dynamique représente un mode de classement « vertical », alors que le classement phytosociologique est « horizontal ». Comme le classement phytosociologique, il se fonde sur la notion d’association mais accorde plus d’attention aux stades terminaux, quitte à négliger certains stades pionniers ou intermédiaires. Un stade terminal est constitué, en général, par une association forestière reconnue par le phytosociologue.

Les « ceintures de végétation » (cf. e.a. Schmid) ont essentiellement le même contenu que les séries de végétation; leur auteur fait cependant appel, outre la composition floristique, à la communauté d’origine des espèces qui la constitue et à leur migration collective.